La barque du centenaire

Un épisode méconnu de la fondation du parti communiste chinois

Quand on se promène dans un parc public chinois, comme par exemple celui du yáng míng yuán阳明园 il n’est pas rare qu’on trouve ici ou là, à l’occasion d’un bassin, une barque au milieu des fleurs aquatiques.

Beaucoup de visiteurs étrangers y voient une aimable évocation de l’ataraxie taoïste telle qu’on la trouve chantée dans de nombreux poèmes et peinte dans de multiples tableaux comme celui-ci : « Sur le fleuve » (anonyme, période Song).

« La figure du pêcheur, si fréquemment représentée dans le paysage chinois symbolise l’attente confiante, le détachement des richesses inutiles la pureté préservée.

Il est le familier des eaux infinies et la montagne se penche avec sollicitude sur son modeste destin, le cœur de l’homme simple ne contient-il pas à lui seul le ciel et la terre ».

François CHENG  « L’espace du Rêve », Editions Phébus, 1980, p. 138

Mais dans la Chine d’aujourd’hui, surtout cette année, c’est une autre scène qui va se superposer à cette tradition poétique. Elle se déroule le 23 Juin 1921 dans l’arrière-cour d’une fabrique de la concession française de Shanghai, où se réunissent les 13 intellectuels qui vont fonder le Parti Communiste Chinois. Ils ont choisi cet endroit, parce que pensent-ils l’extra-territorialité de la concession les met à l’abri de la police du Kuo-Min-Tang, le parti nationaliste dont Tchang Kai-Shek est en train de prendre le contrôle absolu du pays.

Le lieu de cet événement fondateur de l’actuel régime chinois (qui n’est pas peu fier de régner sur la Chine plus longtemps que ne l’a fait le grand-frère soviétique sur la Russie) existe toujours.

Il se trouve à une extrémité de Xin Tian Di, un quartier reconstitué de Shanghai devenu très « branché » qui, un peu comme les anciens entrepôts de Bercy, un ensemble naguère délaissé, se retrouve transformé en village de plaisir et de détende où magasins et auberges de luxes offrent aux chalands tout ce qu’ils ont envie d’acheter.

On notera la composition de l’énoncé du nom de l’endroit en deux phrases de chacune huit idéogrammes, le huit étant l’emblème numérique de ce qui est bien organisé.

Aujourd’hui, on s’en doute, l’atelier où fut fondé le PCC est devenu un lieu de commémoration et lorsqu’on le visite, la salle principale présente une reconstitution en cire de la séance inaugurale de la fondation du PCC.

Site du premier congrès national du PCC

Heureusement pour la suite de l’histoire, il n’existe aucune photographie de cette assemblée historique.

Si cela avait été le cas, on y verrait autours d’une grande table une réunion d’intellectuels de renom tels CHEN Duxiu, LI Dazhao, XIAN Zhongfa, WANG Ming, QING Bangxian, etc. et, dans le fond, un jeune professeur d’école primaire, délégué de la province du Hunan dont ces intellectuels pékinois raillent l’accent rugueux. Il s’appelait Mao Zedong.

CHEN DUXIU

LI DAZHAO

XIAN ZHONGFA

WANG MING

QING BANGXIAN

MAO ZEDONG

Source images : Wikipédia

Évidemment aujourd’hui dans ce musée, la reconstitution en cire montre Mao debout au milieu de la table adressant aux autres membres fondateurs un message. 

Photo Cyrille Javary

En fait cette réunion a dû être prestement interrompue car la police française, avertie par un mouchard, était sur le point d’intervenir. La réunion fut donc ajournée et reportée pour plus de sécurité à l’intérieur d’une barque sur le lac situé au centre de la ville de Jiaxing dans la province du Zhejiang entre Shanghai et Hangzhou qui pouvait ressembler à celle-ci …

… et qui avait évidemment l’avantage de permettre de voir venir de loin tout intrus de mauvais augure.

Voilà pourquoi dans les parcs chinois

la présence d’une barque au milieu d’un bassin est plus politique que poétique …

Suivez-nous sur les réseaux sociaux

Share This